Nicolas Briançon : Je pense que le théâtre a de très beaux jours devant lui grâce à l’irruption de l’IA
- Dandeu Mathilde
- 2 nov.
- 6 min de lecture

Metteur en scène et grand homme de théâtre, Nicolas Briançon est aussi un grand acteur de cinéma et de télévision. On a pu le voir dans les mythiques films Les Poupées Russes, Sous les jupes des filles ou encore dans l’une des séries les plus populaires du moment : Culte. Ce lundi 3 novembre, c’est dans Un meurtre (presque) parfait qu’on le retrouve au cœur d’une enquête trépidante et pas comme les autres…
Le théâtre est, pour Nicolas Briançon, son repère, son cocon… ce pourquoi il est devenu un grand comédien. Il aime prendre place sur scène dans L’Avare de Molière, Les Années Twist de Roger Louret, Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare ou, dernièrement, dans Je me souviendrai de presque tout d’Alexis Macquart.
Mais si le théâtre est devenu sa maison, son lieu où il se sent en sécurité, il est aussi un acteur de cinéma et de télévision. Ainsi, on le retrouve dans la dernière création de TF1 : Un meurtre (presque) parfait. Dans le rôle d’Yves Cayatte, il incarne un grand chef d’entreprise à l’immense fortune. Un prestige jalousé, notamment au cœur de sa famille. Pour PressEyes, l’acteur s’est confié sur ce nouveau personnage, sans oublier de nous parler de théâtre.
"Ce que j’aime par-dessus tout, c’est qu’un metteur en scène me visualise dans un rôle"
Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter le rôle ?
Nicolas Briançon : Tout d’abord, le scénario sublimement écrit par Éliane Montane et Elsa Manet. Ensuite, la présence de Marie-Anne Chazel, que je venais de diriger au théâtre dans une pièce de Philippe Claudel, qui s’appelle Parle-moi d’amour. Il y avait plein d’acteurs que je ne connaissais pas vraiment, mais que j’aime beaucoup, comme Claire Keim, Lionnel Astier, que j’étais content de rencontrer.
Le rôle était assez court, mais ça tourne beaucoup autour de mon personnage. Vous savez, quand on demandait à Robert Mitchum comment il choisissait ses rôles, il disait : « Je demande combien c’est payé, où est-ce que ça se tourne et qui tient la cantine » (rire).
C’est un téléfilm très inspiré d’Agatha Christie, avec un ton décalé… Qu’est-ce que vous avez aimé dans l’univers d’Un meurtre (presque) parfait ?
Nicolas Briançon : Je suis un garçon des années 60, j’ai été élevé dans le polar, dans l’enquête, dans le film policier, dans le mystère… Ça appartient presque à notre ADN, à notre enfance… C’est toujours très marrant de tourner ces genres d’histoires, avec des personnages très dessinés, très colorés, à la limite de la bande dessinée. J’étais content de retrouver Sophie (Révil), la productrice, qui est aussi la productrice des Petits meurtres d’Agatha Christie, dont j’avais fait un épisode.
Votre personnage n’apparaît que quelques minutes à l’écran et pourtant, il prend une grande place dans l’histoire. Quelle importance portez-vous à ces personnages finalement « fantômes » ?
Nicolas Briançon : En tant qu’acteur, je ne m’attache pas à la durée du personnage à l’écran, ça appartient à l’histoire. J’ai tout de même un peu hésité sur ce personnage, car j’ai joué un nombre incalculable de salauds, mais Christophe (Douchand), le réalisateur, m’a embarqué dans cette histoire et j’étais très heureux de tourner avec lui.
Ce que j’aime dans ces personnages, qui apparaissent comme des grands bourgeois méchants, c’est de trouver leur part d’humanité, c’est de les défendre, de les sauver. Quand on est comédien, on est l’avocat de ses personnages et on doit les défendre. Je devais lui trouver des raisons.C’est ce qui m’amuse dans mon métier et dans ces personnages : c’est de pouvoir sauver les insauvables.
On vous connaît pour votre carrière au théâtre, un lieu qui n’est malheureusement pas assez fréquenté par les jeunes. Est-ce que votre présence dans la série Culte sur Prime Video a été un moyen de vous faire connaître de cette nouvelle génération et peut-être de les pousser à venir vous voir au théâtre ?
Nicolas Briançon : Le paradoxe, c’est que le public est une entité que l’on croise un peu quand on est au théâtre, quand ils ont la gentillesse de nous attendre et de nous parler à la sortie du spectacle. Mais là, c’est que l’on a déjà affaire à des gens habitués et qui sont déjà venus au théâtre.Mais c’est vrai que le public du théâtre est un public mûr, où les personnes ont entre 30/35 et 70 ans. Mais c’est de moins en moins vrai, grâce à de jeunes metteurs en scène comme Alexis Michalik, qui attire un public très jeune. Par le biais des festivals, comme Avignon et le off d’Avignon, qui drainent un public très jeune.
Il faut continuer à faire parler du théâtre et il faut qu’il y ait davantage de gens qui aillent au théâtre. C’est d’autant plus important d’aller au théâtre maintenant, et je pense que ce lieu a de très beaux jours devant lui grâce à l’irruption de l’IA. Beaucoup de gens trouvent que c’est affreux, mais je pense au contraire que ça va nous apporter plein de choses extraordinaires, même s’il y aura des désagréments. Avec l’irruption de l’IA dans nos vies, les gens vont avoir besoin d’un endroit où ils seront sûrs de voir des vrais gens, d’entendre de vraies paroles.
De toute façon, on ne peut pas pleurer le passé, il faut accepter cette idée que l’IA est présente. Refuser l’IA, c’est comme si on avait refusé l’automobile au début du XXe siècle, ça n’a aucun sens. Oui, ça va bousculer beaucoup de choses, on va devoir s’adapter, il va falloir faire attention, mais aussi s’en servir, et bien s’en servir.
Vous avez retrouvé Marie-Anne Chazel, que vous avez dirigée dans la pièce de théâtre Parle-moi d’amour. Comment se sont passées vos retrouvailles ?
Nicolas Briançon : Très bien. Marie-Anne, c’est l’être le plus charmant, le plus exquis, le plus poli, le plus bienfaisant que je connaisse. C’est une personne merveilleuse, que j’aime infiniment et c’était très joyeux de prolonger ça. C’est quelqu’un de très intelligent et c’est plus facile et agréable de travailler avec des gens intelligents plutôt qu’avec des crétins… ce qui arrive parfois (rire).
Vous êtes acteur, metteur en scène, vous dirigez des festivals, vous avez l’envie de réaliser… C’était important pour vous d’avoir différentes casquettes au cœur du cinéma et du théâtre ?
Nicolas Briançon : Mon envie de départ, et ce qui a motivé mon arrivée dans ce métier, c’est l’idée d’être dans un théâtre, de vivre dans un théâtre. Quand je suis arrivé dans un théâtre pour la première fois de ma vie, pour faire de la figuration dans un opéra, je me suis dit : c’est là que je veux vivre. J’avais l’impression de rentrer dans un monde que je pouvais façonner à ma mesure, sur lequel je pouvais influer, créer un univers, et je me sentais très protégé par ça. J’ai eu envie très vite de ne pas me satisfaire simplement du métier d’acteur, mais de participer à tout ce qui fait la vie de ce métier.
Je n’ai pas cherché la mise en scène, elle est venue à moi par hasard, et je suis très heureux de cette partie-là de ma vie. C’est pareil pour la direction des festivals. Les choses ont été proposées, car j’avais une appétence pour ça, du goût pour ça, une envie peut-être secrète de ça.
Quel est le prochain rôle que vous aimeriez incarner ?
Nicolas Briançon : Je pense que tous les acteurs du monde vous diront la même chose : à moins d’avoir envie d’un rôle qui existe déjà, on peut dire : un jour, je rêve de pouvoir incarner le roi Lear, ou Macbeth ou Richard III… Mais au-delà de ça, ce que j’aime par-dessus tout, c’est qu’un metteur en scène me visualise dans un rôle. Ce qui est marrant, c’est quand on vous dit : est-ce que tu as envie de jouer ça, parce qu’on ne s’y attend pas.
Je vais tourner la série Belphégor pour HBO, qui va sortir en décembre, je ne m’attendais pas du tout à cette proposition et c’était très joyeux d’y répondre. Quand on m’a proposé le rôle du critique gastronomique dans Bistronomia, ce n’était pas du tout prévu et j’ai adoré.
Ce que l’on demande en tant qu’acteur, c’est d’être surpris par les propositions, c’est encore plus rigolo que de se dire : j’aimerais jouer un prêtre torturé par ses démons (rire). Il y a beaucoup de choses qui rentrent en compte dans le choix d’un rôle, qui ne sont pas seulement le caractère du rôle, mais le contexte, l’écriture qui est la base, le réalisateur, la réalisatrice…
Quelle actrice ou quel acteur rêveriez-vous de mettre en scène ?
Nicolas Briançon : Je joue en ce moment avec Pierre Arditi, qui est le meilleur des partenaires, c’est un partenaire de rêve. Il est enthousiaste, joyeux… et en le voyant travailler avec Julien, je rêverais de le mettre en scène, car je l’ai trouvé d’une immense disponibilité, d’un enthousiasme, d’une jeunesse et d’une capacité à se remettre en question extraordinaire pour un monsieur de 80 ans.



Commentaires