Disponible depuis le 25 octobre sur France Télévisions, Nos vies en l’air, adapté du roman éponyme de Manon Fargetton, met en lumière les difficultés d’être un adolescent. Une série portée par Inès Kermas et Anthony Goffi qui incarnent à merveille cette jeunesse déchue, ancrée dans des spirales infernales comme la maladie mentale ou le harcèlement scolaire. PressEyes est allé à la rencontre des comédiens.
Nos vies en l’air, c’est l’histoire de Mina et d’Océan, deux adolescents qui ne se connaissent pas et vont pourtant se retrouver tous les deux, sur le même toit pour en finir avec la vie. Mais n’est-ce pas trop tôt ? Ils décident alors de profiter d’une dernière nuit, une dernière nuit à être qui ils veulent, une dernière nuit sans limite, mais surtout les adolescents ouvriront leur coeur, permettant aux spectateurs de connaître leur véritable mal être : Mina se fait harceler par ses camarades de classe, dont sa meilleure amie, Alix depuis des mois. Quant à Océan, il a perdu sa mère qui souffrait de troubles mentaux. Voulant prendre exemple sur cette folie maternelle, c’est autour d’Océan de sombrer dans la dépression et l’envie de mettre fin à ses jours.
Des personnages d’une grandes complexités, se révélant à la fois démunis face à cette vie qui est chaque jour un défis, mais aussi d’une grande poésie, par ces moments doux et emplis d’humours, faisant presque oublier qu’ils veulent passer à l’acte du suicide. Mais qui de mieux que les acteurs eux-mêmes, pour parler de Mina interprétée par Inès Kermas, Océan, joué par Anthony Goffy et Alix incarnée par Flavie Delange.
Comment chacun d’entre vous est arrivé sur le projet de Nos vies en l’air ?
Inès Kermas : De manière assez classique, j’ai passé un casting. J’ai envoyé une première vidéo en décembre 2023. Ensuite, j’ai passé quatre tours de casting avant de rencontrer les réalisateurs. Le dernier tour était un casting croisé en présence des réalisateurs et de la directrice de casting, avec des potentiels Ocean et Mina. Une des choses des plus importantes sur la série, c’est l’alchimie entre ces deux personnages. Puis, quelques jours plus tard on m’a appelé pour m’annoncer la bonne nouvelle.
Anthony Goffy : Pour ma part ce qui est original, c’est que j’ai fait la première partie du casting en selftape, ça arrive souvent maintenant depuis le Covid. Les directeurs de casting se sont rendus compte qu’ils pouvaient demander aux gens de se filmer eux-mêmes pour faire les essais. Donc j’ai passé la première étape du casting dans le sud à Hyères et c’est ma mère, qui n’est pas du tout actrice, qui me donnait la réplique en jouant le rôle de Mina. J’ai été rappelé à Paris, où j’ai rencontré Jonathan Cohen Berry, un des réalisateurs de la série et Emilie Chaumat, la directrice de casting. J’ai fait le casting, ça s’est bien passé. Ensuite ils m’ont rappelé pour le fameux call back croisé, avec les deux potentiels Ocean et les deux potentiels Mina. On a essayé les quatre binômes différents et ils ont trouvé que le choix le plus judicieux était Inès et moi.
Flavie Delange : C’est mon agent qui m’a envoyé sur le casting et à la base, j’avais envoyé un vidéo pour Mina, mais après ils ont changé le descriptif du personnage. Du coup mon profil ne correspondait plus. Ils m’ont vu pour le rôle d’Alix. J’ai fait qu’un casting et tout s’est enchainé assez vite.
Qu’est-ce que vous avez aimé dans vos personnages et dans le scénario ?
Flavie Delange : Au début je n’aimais pas du tout mon personnage. C’était assez intéressant de l’interpréter, mais ce n’est pas un personnage que je porte vraiment dans mon coeur. Mais j’ai adoré et c’est un de mes premiers personnages où j’ai adoré comment ils avaient pensé les costumes.
Inès Kermas : J’ai apprécié les thèmes que la série mettait en avant : comme la santé mentale chez les jeunes, le harcèlement scolaire, le harcèlement sur les réseaux sociaux, les idées noires, les tentatives de suicides… Des faits dont on commence à parler dans les médias mais pas encore assez. Je trouve que dans la série c’est très bien abordé, car en lisant le scénario, je ne trouvais pas que c’était quelque chose de lourd, de compliqué à lire, à avaler. Il y a quand même de très beaux moments de vie qui font que l’on arrive plus facilement à digérer l’histoire en elle-même qui reste deux adolescents qui veulent en finir avec la vie.
Anthony Goffy : Dès le départ j’ai adoré le synopsis et je me suis mis à 100%, j’ai directement pris le livre dans une bibliothèque pour le lire. Et quand j’ai reçu le scénario pour le dernier call back, je me suis dit : «Ce n’est pas possible que je n’ai pas ce rôle.» J’ai jamais lu une série aussi stylée avec un duo aussi cool.
Anthony, ton personnage est très complexe : il souffre de maladie mentale, et en même temps il est très solaire, ce qui donne beaucoup de légèreté à la série. Comment tu as abordé toutes les complexités de ton personnage ?
Justement, tu mets le point sur la complexité principale et celle qui me perturbais le plus : c’était comment rendre crédible son mal être et son envie d’en finir avec la vie et en parallèle faire qu’il soit flamboyant, de bonne humeur et que ce soit lui qui apporte le côté positif.
J’ai fait des recherches sur le suicide adolescent, où ils donnaient des conseils aux parents pour reconnaître les signes. Il y avait un paragraphe dans l’article qui expliquait que si l’enfant va mal pendant une période et que d’un seul coup il va trop bien, ça peut être mauvais signe. Ça voudrait dire qu’il a trouvé cette option du suicide qui va lui permettre de se dire quoi qu’il arrive je vais partir donc maintenant ça va mieux. Océan se trouve exactement la dedans, l’idée d’en finir le soulage et lui permet de poursuivre la nuit et d’être dans une énergie différente que les huit derniers mois où c’était destructeur. Une des choses qui explique aussi le comportement d’Océan, c’est son rapport avec sa mère. Avec la mort de sa mère, il a idéalisé un peu la folie qu’elle pouvait avoir et de s’en faire en exemple pour être à l’opposé de son père. Il y a aussi la construction de la relation avec Mina, du moment où il l’a rencontre, il essaie de la sauver, pour se pardonner de ne pas avoir pu sauver sa mère. Et quand on se dit sauveur, on ne peut plus être la victime et celui qui souffre.
Les parents, sauf ceux d’Océan sont assez absents, est-ce que pour vous c’est une façon de montrer qu’ils ne voient pas le mal être de leurs adolescents ?
Inès Kermas : Cette série est pour les adolescents qui vivent les mêmes situations que Mina et Océan, mais elle est aussi pour les parents de ces adolescents qui ne voient pas forcément ce qu’il se passe. Il se trouve que la relation entre Mina et Mira, illustre très bien ça. Car pour Mira, Mina, est une fille très modèle, qui n’a jamais vraiment fait de vague, qui a toujours su se démener et très bien travaillé, ce qui lui a permis de pouvoir intégrer un lycée privé alors qu’elle ne vient pas de ce milieu. Bien qu’elle soit absente par un travail qui lui prend beaucoup de temps pour subvenir aux besoins de sa fille, elle essaie tout de même d’avoir des moments privilégiés avec elle, notamment ce rituel du karaoké. Mais elle ne voit rien de ce qu’il se passe, pour elle c’est inimaginable, comme beaucoup de parents qui se rendent compte de ce qui se passe que quand c’est trop tard.
Flavie Delange : On a pas forcément abordé la relation entre Alix et sa mère, mais j’ai essayé de me faire l’histoire dans ma tête. Et je me suis imaginée que ses parents étaient séparés, et que son père n’était pas présent et qu’il envoyait de l’argent de temps en temps. Pour la mère d’Alix, je me l’a suis imaginé assez occupée par son travail. Je l’imaginais juge ou avocate et qu’elle laissait beaucoup de liberté à Alix. Mais j’ai vraiment connu des gens comme Alix, et très souvent, leur maman était trop laxiste et elle s’en foutait un peu de ce que leurs enfants faisaient. Les enfants livrés à eux-mêmes, leur permet d’agir comme ils veulent, sans vraiment de cadre et de limite.
Anthony, ton personnage a une relation difficile avec son père, mais est-ce que finalement ce n’est pas sa mère qui le pousse à détester son père ?
C’est une très bonne question (rire). Mais je suis d’accord dans le fait que la mère joue ce rôle dans la détestation du père à cause justement de ses soucis mentaux. Pour le rapport avec son père, Océan rejette sa colère et sa tristesse sur son père, pour avoir un coupable. Mais ce que j’aime dans cette série, c’est que tous les personnages se défendent surtout le personnage du père qui pourrait être dans d’autres séries dans un schéma plus cliché, c’est à dire le père méchant. Mais là dans Nos vies en l’air, le père a une vraie tenue, il y a une magnifique scène de fin quand il dit à son fils qu’il ne l’abandonnera jamais. Ce n’est pas manichéen du tout et le personnage du père est très bien.
Inès, Flavie, vos personnages sont ancrés dans une amitié très toxique. Notamment Alix qui prend le dessus et harcèle Mina. Comment vous avez abordé cette relation et est-ce qu’il y a eu des moments difficiles à jouer ?
Inès Kermas : Ce qui est chouette, c’est que l’on a fait toutes les séquences où Mina est un peu en retrait par rapport au groupe, la séquence du drone, celle dans la friche où Alix dit à Mina qu’elle lui fou la honte, avant la grosse scène que l’on ne dévoilera pas dans l’épisode 8... Au niveau de la chronologie et du plan de travail, ça été très bien pensé. C’était un réel plaisir de travailler avec Flavie. C’est quelqu’un de très généreux, qui donne beaucoup quand elle joue. Comme c’était mon premier tournage avec un rôle principal, elle a été d’un grand soutient avec de très bons conseils. C’était agréable de l’avoir sur le tournage et d’avoir pu me confier. Très contente qu’elle est été mon Alix.
Flavie Delange : J’ai eu une amie comme ça et je me suis juste rappelée comment elle agissait avec moi. C’était assez simple de l’incarner, mais il y avait quand même une petite difficulté car derrière ce comportement très toxique, les réalisateurs voulaient qu’on lui donne un peu d’humanité pour que les spectateurs aient un peu d’empathie. Donc il fallait trouver le bon ton. Pour ce qui est d’une séquence difficile, il y a une scène qui m’a mise profondément mal : celle où Mina se fait agresser dans les toilettes, c’était horrible. Il y avait la coordinatrice d’intimité qui était là et on a tous fait une pause, car c’était terrible.
La série aborde le harcèlement via les réseaux sociaux, justement comment vous appréhendez les messages que vous allez recevoir après que les téléspectateurs aient vu la série ?
Flavie Delange : Avec SKAM j’ai été vaccinée avec ça. On a reçu beaucoup de messages et de toute façon il y a les bons téléspectateurs et ceux qui ont du mal à faire la différence entre le personnage et l’acteur. Je suis assez rodée, je sais très bien que je vais me prendre des mauvais commentaires, mais aujourd’hui je prends beaucoup de recule sur ça. J’ai préparé Inès , car c’est son premier projet, je l’ai avertie qu’il y avait des gens qui ne sont pas toujours sympas. De ma génération, quand j’étais au collège et au lycée, il n’y avait pas trop ce problème de harcèlement avec les réseaux sociaux. Du coup c’était aussi intéressant de montrer que ça existe.
Inès Kermas : Pendant le tournage, j’ai beaucoup pensé à ces messages que je pourrais recevoir et je me mettais beaucoup la pression, notamment sur la séquence où Mina va confronter ses harceleurs. Pour moi ça doit être jouissif pour tous les Mina qui regardent et je voulais être la plus légitime possible. Il y avait vraiment cette question de légitimité. Tu te dis ok, il faut que ça soit vrai que ça parle aux gens et que les personnes qui vivent cette situation-là puissent se sentir entendues et se reconnaître.
Comment chacun d’entre vous, décrirez son personnage en trois adjectifs ?
Anthony Goffy : Océan, j’aime à dire qu’il est flamboyant, je trouve que ça le décrit bien. Ambivalent et délicat.
Flavie Delange : Pour Alix je dirais : Solaire, manque de confiance en elle, leadeuse.
Inès Kermas : Mina elle est vivante car elle vit tout à 100% ce qui a pu me faire peur, forte et généreuse.
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