Festival de Cannes 2025 : Aïssa Maïga nous dévoile son rôle "assez inédit" dans Promis le Ciel
- Dandeu Mathilde
- 26 mai
- 4 min de lecture

Grande invitée du Pavillon Afrique, à l’affiche du film Promis le ciel sélectionné dans la catégorie Un Certain Regard et marraine de la Semaine du cinéma positif, la comédienne et réalisatrice Aïssa Maïga était, pour ce festival 2025, sur tous les fronts. Une actrice que l’on connaît pour ses nombreux engagements et avec qui nous avons pu discuter de son prochain rôle en tant que femme pasteure, ainsi que de la diversité au cœur du cinéma.
Aïssa Maïga a 17 ans lorsqu’elle se passionne pour le monde du théâtre et du cinéma. Si aujourd’hui les mentalités évoluent, avec un cinéma de plus en plus ouvert à la diversité, il n’en était pas de même lors des premiers pas d’Aïssa Maïga dans le 7e art. Mais l’actrice n’a pas baissé les bras et en a fait son combat. Désormais, la comédienne, qui enchaîne les premiers rôles, est connue pour ses engagements en faveur d’un cinéma incluant la diversité, mais aussi plus égalitaire entre les hommes et les femmes.
Devenue l’une des plus grandes figures du 7e art, tout le monde s’arrache Aïssa Maïga. Présente au Festival de Cannes 2025 pour présenter le film Promis le ciel, sélectionné dans la catégorie Un Certain Regard, et marraine de la Semaine du cinéma positif, nous avons pu lui poser quelques questions.
Aïssa Maïga : "80 % de l’immigration africaine a lieu en Afrique, et seulement 20 % dans le reste du monde"
On a pu vous voir au Pavillon Afrique, le film Promis le ciel a lancé l’ouverture de la catégorie Un Certain Regard. Est-ce que c’est une fierté de pouvoir représenter cette diversité au cœur du cinéma ?
Aïssa Maïga : C’est une très grande fierté, car j’aime pouvoir défendre un cinéma engagé, et donc ici un cinéma d’Afrique. Soutenir des initiatives comme Next Narrative, des projets aussi portés par des femmes ou en développement/production sur le continent africain, faire partie de la sélection Un Certain Regard, participer à des rendez-vous en tant que productrice ou être marraine de la Semaine du cinéma positif sont, pour moi, des prolongements naturels.
Est-ce que, pour vous, le Festival de Cannes est un de ces festivals qui peut donner de l’espoir aux jeunes enfants ou adolescents issus de la diversité, de s’imaginer une place dans le monde du cinéma ?
Aïssa Maïga : Je ne sais pas si le festival donne cet espoir-là, mais c’est un festival plein d’initiatives. On a la chance qu’il puisse offrir de la visibilité à la diversité, qu’il la rende crédible, inclusive et un peu plus agréable. Je trouve que cette année, la catégorie Un Certain Regard a fait une belle sélection de films africains, avec notamment "Aisha Can’t Fly Away "de Morad Mostafa ou "My Father’s Shadow "d’Akinola Davies Jr.
Parlons de Promis le ciel d’Erige Sehiri : qu’est-ce qui vous a poussée à accepter ce rôle ?
Aïssa Maïga : C’est d’abord la rencontre avec Erige. C’est une cinéaste singulière, qui a une très belle vision artistique et esthétique du cinéma. Puis le sujet était très fort. Je ne pensais jamais incarner un jour une pasteure, anciennement journaliste : c’est assez inédit.
C’est un film très engagé, mais ce qui m’a surtout motivée, c’était de pouvoir mettre en avant ces personnes immigrées souvent invisibilisées.
Un film, comme vous le dites, sur l’immigration, mais qui offre un regard nouveau en montrant que l’immigration existe aussi sur le continent africain. Est-ce, selon vous, un point fort du cinéma, d’être vecteur de message ?
Aïssa Maïga : Le cinéma n’est pas seulement un vecteur de message. Mais lorsqu’on peut à la fois être transporté par des émotions, subjugué par la composition des images, par la mise en scène, et en plus apprendre quelque chose ou découvrir un nouveau point de vue sur un sujet que l’on croyait connaître, je trouve cela jubilatoire.
Et c’est vrai : 80 % de l’immigration africaine a lieu en Afrique, et seulement 20 % dans le reste du monde. Ce film bouscule l’idée reçue selon laquelle toute l’Afrique migrerait vers l’Europe.
Au-delà de cette histoire d’immigration, peut-on parler d’un film féministe ?
Aïssa Maïga : Oui, je pense. Je ne sais pas si Erige l’a fait avec cette idée-là, mais en tout cas, le simple fait de présenter trois portraits de femmes très différentes les unes des autres – une femme pasteure, anciennement journaliste, une femme publique dans son Église, habitée par ses blessures, une étudiante issue de la classe moyenne qui arrive en Tunisie avec un visa, et le personnage joué par Deborah, une jeune femme qui se débrouille comme elle peut – montre une diversité de parcours, de visages, d’histoires, d’appartenances sociales.
Cela redéfinit le regard porté sur les personnes migrantes, notamment les femmes. Je trouve que le film œuvre, intentionnellement ou non, pour une pensée féministe qui célèbre le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes et à être elles-mêmes.
Erige s’est intéressée à un aspect très peu montré dans le cinéma et les médias : l’immigration féminine. Et ça, c’est assez nouveau. Jusqu’à récemment, ce sont les hommes qui migraient, et leurs familles les rejoignaient ensuite. Là, on voit de plus en plus de femmes partir. Cela correspond à une réalité sociologique.
Dans Promis le ciel, il est en effet question de cette immigration féminine dont on parle peu, mais aussi de votre rôle… Il est rare de voir une femme pasteure à l’écran, on a l’impression que c’est une fonction très masculine.
Aïssa Maïga : J’ai découvert cette profession que je connaissais très peu. Comme je n’avais que douze semaines pour me préparer, j’ai beaucoup recherché, notamment sur des femmes pasteures, qu’elles soient africaines ou américaines, pour comprendre les différences entre elles. C’était passionnant. J’ai aussi rencontré la pasteure Marie Noëlle, camerounaise, réfugiée en Tunisie. J’ai découvert une femme d’une grande intelligence, qui a beaucoup étudié les Écritures, très pédagogue… Elle m’a énormément aidée. L’écouter, l’observer, m’a beaucoup inspirée. Elle a un charisme incroyable.
Si vous deviez donner une définition du cinéma aujourd’hui ?
Aïssa Maïga : Un territoire intellectuel, artistique et narratif.
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