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La Monday Story de Béatrice De La Boulaye : l’art de décomplexer par le rire


Béatrice De La Boulaye nous parle de son spectacle Héroïnes
Crédit Photo : Mister Fifou


Béatrice De La Boulaye était l’une des figures phares des Airnadette. Mais après 15 ans de bons et loyaux services, elle a décidé de tirer sa révérence et a eu le courage de monter son propre spectacle. Baptisé Héroïnes, il aborde toutes les problématiques liées aux femmes, mais pas seulement. En effet, pour une meilleure prise de conscience, elle raconte son histoire à travers différentes périodes de sa vie : le harcèlement scolaire, sa vie d’adulte et son combat contre la rivalité féminine, puis ce foutu cancer du sein. Trois thématiques dans lesquelles nous pouvons toutes nous retrouver et guérir de ces maux, pour vivre une véritable sororité.



Béatrice De La Boulaye a un tempérament fort, forgé par les épreuves que la vie lui a imposées, mais qui ont fait d’elle une belle personne. Elle incarne la bienveillance et l’humilité. Après une bonne heure de discussion avec elle, on en ressort avec une belle leçon de vie : Béatrice De La Boulaye fait preuve d’une grande justesse dans ses mots et ses pensées. Elle donne l’espoir qu’il existe encore, dans cette société, de belles personnes. Elle incarne la force que toutes les femmes devraient avoir et le courage de se lancer dans leurs projets tant rêvés, quel que soit leur âge.


Béatrice De La Boulaye seule sur scène


À l’aube de ses 43 ans, Béatrice De La Boulaye fait le point sur sa carrière : elle incarne la capitaine Crivelli dans Tropiques Criminels, qui cartonne sur France 2, et fait partie des Airnadette depuis 15 ans, une troupe qui rencontre un immense succès à chaque représentation. Une belle carrière et une zone de confort qui pourraient lui permettre de continuer à briller encore quelques années. Mais passée la quarantaine, elle ressent le besoin de plus. Elle veut vibrer à nouveau, se lancer dans un projet fou et prendre des risques. Elle prend alors la décision de quitter la troupe et de monter son seul en scène, qu’elle baptise Héroïnes.


Le titre Héroïnes est le fruit d’une longue histoire de circonstances et de hasards, qui remonte aux Airnadette : "On avait monté un collectif qui s’appelait La Comédie Presque Française, et on détournait des spectacles pour en faire des comédies." France Télévisions, intéressé par leur projet, leur propose de jouer six détournements de pièces de Molière aux Molière. Enthousiasmés, les Airnadette s’attellent à la tâche : écriture, répétitions dans un théâtre... jusqu’à ce que France Télévisions leur annonce l’abandon du projet. Mais la troupe a déjà une date de spectacle annoncée dans la plaquette. Annuler ou monter sur scène ?


Célia, la co-directrice artistique de Béatrice De La Boulaye, opte pour la deuxième option, mais avec un twist : Béatrice montera seule sur scène. Un peu paniquée, la comédienne relit la plaquette : "La Comédie Presque Française dépoussière Molière. Ce qui était assez vaste."




En Martinique pour le tournage de "Tropiques Criminels", elle s’allonge un soir face aux étoiles, en quête d’inspiration. Et soudain, une idée émerge : "Pourquoi ne pas faire un portrait-robot des héroïnes de Molière ?" Elle décide alors d’explorer ces personnages aux forts tempéraments, redonnant vie à Madeleine Béjart et d’autres comédiennes de l’époque, jusqu'à Rihanna. Le spectacle rencontre un tel succès qu’elle veut approfondir cette exploration des héroïnes. "J’ai voulu aller plus loin, en m’éloignant des héroïnes de Molière pour comprendre pourquoi ce thème me fascinait autant. J’ai réalisé que cela touchait à la question du féminin, un sujet qui me concernait et avec lequel j’avais un problème."


Ainsi, les héroïnes de Molière ont cédé la place aux héroïnes tout court, explorant les thématiques du féminin et du masculin, deux notions souvent dictées par des injonctions dans lesquelles tout le monde ne se reconnaît pas toujours. Grâce à sa propre histoire d'héroïne, Béatrice De La Boulaye nous offre un précieux enseignement sur la compréhension et le respect de l’autre, à une époque où les réseaux sociaux exacerbent souvent les clivages.


Une histoire personnelle au grand jour


Pour être impactant, quoi de mieux que de raconter sa propre histoire ? Pour aider les autres, Béatrice De La Boulaye n’a donc pas hésité à rendre son histoire personnelle universelle. "J’ai envie que ça parle à tout le monde, sinon ce serait nombriliste." La comédienne souhaite créer du lien. Pour cela, elle ne choisit pas la facilité en parlant de sororité, un thème connu de tous, mais au contraire, elle explore des sujets peu abordés, comme la rivalité féminine. "La sororité et la rivalité féminine sont de toute façon très liées, l’une n’existe pas sans l’autre. Pour pouvoir obtenir l’une, il faut savoir se débarrasser de l’autre, savoir le formuler, en prendre conscience et enfin avancer." Si la rivalité féminine est au centre du spectacle, Béatrice De La Boulaye évoque aussi le harcèlement scolaire et le cancer du sein.


Béatrice, 14/15 ans, a tous les jours la boule au ventre à l’idée d’aller au collège. Elle est seule depuis que son groupe de copines a décidé de ne plus lui adresser la parole. Leur a-t-elle fait quelque chose de mal ? A-t-elle dit quelque chose qui aurait pu les contrarier ? Elle a beau retourner la situation un milliard de fois dans sa tête, elle ne comprend toujours pas ce qui a pu les pousser à l’ignorer du jour au lendemain. Béatrice n’a désormais plus qu’une seule amie : la solitude.


"J’ai eu d’anciens camarades du collège qui sont venus voir le spectacle, y compris celles qui ne m’avaient plus adressé la parole. Elles ont pu prendre conscience du mal qu’elles m’avaient fait, et l’une d’elles s’est même excusée. Côté mecs, ils ne voient et ne comprennent jamais rien (rire). Ils m’ont dit qu’ils avaient l’impression que j’étais une meuf sûre de moi et que j’attendais toute seule pour aller à la cantine parce que personne n’était à la hauteur pour déjeuner avec moi. Je leur ai répondu : 'Non, pas vraiment, j’étais juste très seule.'"


Désormais maman d’une petite fille bientôt en âge d’aller au collège, Béatrice De La Boulaye lui a donné les armes pour qu’elle ne subisse pas la même chose. La communication avec sa fille est donc primordiale : "Elle est très bien dans sa peau et elle sait qu’elle peut me parler de tout." La comédienne lui a également appris à se défendre par l’humour : "Une arme que je n’avais pas à l’époque, c’est le second degré. Elle en a énormément, et je pense que ça sauve de beaucoup de choses. Si tu peux envoyer chier les gens avec une vanne ou deux et ne pas tout prendre à cœur… En tant que parents, on lui fait beaucoup de blagues, donc elle est habituée à la vanne et ne prend pas trop les choses à cœur."


Si elle a appris à sa fille à se défendre, elle lui a également appris à n’exclure personne et à tendre la main à toutes celles et ceux qui se sentent un peu trop seuls. Un sujet difficile, puisque le harcèlement touche 700 000 enfants par an en France et en tue deux chaque mois. Pourtant, Béatrice De La Boulaye réussit à faire rire son public tout en mettant en lumière les aspects sensibles du sujet. On se reconnaît tous, que ce soit dans les harceleurs ou dans les victimes. Finalement, le rire n’est-il pas le meilleur moyen d’impacter la conscience humaine sur la gravité des faits ?


La maladie de l’humour


La salle devient silencieuse : Béatrice De La Boulaye vient d’annoncer le prochain sujet d’Héroïnes, son cancer du sein. Sa force : faire de son combat une histoire totalement loufoque, laissant place aux éclats de rire qui valsent dans la salle.


Guérie, elle veut que son expérience puisse servir de leçon. Par le biais de l’humour, elle pousse les femmes et les jeunes femmes à se rendre régulièrement chez le gynécologue, même si ce n’est pas la partie la plus agréable et glamour.


Béatrice De La Boulaye veut rire du cancer du sein tout en portant un message d’espoir qu’elle incarne : comme elle, on peut s’en sortir. Aujourd’hui, elle est devenue l’une des ambassadrices sur ce sujet. En dehors de son spectacle, la comédienne intervient régulièrement pour en parler sans aucun tabou. "Je l’ai fait pour la fondation Arc. Ils m’ont demandé d’en parler, en faisant la promotion du dépistage précoce lors d’une soirée de levée de fonds pour la recherche. Il y avait beaucoup de témoignages bouleversants et difficiles, des parcours avec des récidives. On m’avait demandé d’intervenir à la fin de la soirée pour terminer avec une touche d’espoir. J’étais l’ambassadrice du dépistage précoce, c’est-à-dire : plus tu te fais dépister tôt, moins tu as d’emmerdes."




L’année prochaine, la comédienne sortira un livre : Mamomia aux éditions First, en collaboration avec l’illustratrice Bénédicte Voile. L’ouvrage se présentera comme un petit guide racontant l’expérience de l’actrice pour accompagner les femmes face au cancer du sein ou pour celles qui l'ont vécu. 


"Ma part d’auteur sera reversé à l’association ma parenthèse qui est à Nantes. C’est une maison qui accompagne les femmes qui ont subi un cancer du sein avec toutes les conséquences que ça peut entraîner. Ils les accompagnent soit en parallèle de leur traitement, soit en post opération et leur donne tout le confort qu’elles ont besoin."


Une interview qui se termine sur une petite touche d’espoir et de lumière, d’un message que la comédienne a envie de faire passer à tous ceux et celles qui la suivent : "C’est un message de liberté, d’encouragement, d’être soi, l’assumer, ne pas avoir peur du regard des autres, tracer sa route, éviter le sentiment d’appartenance trop fort. J’ai très peur de la pensée unique et il y a beaucoup de mouvements de pensée unique où il faut choisir une école… tu as l’impression qu’il y a tout le kit avec… moi j’aime la pensée complexe que chacun fait sa pensée avec son expérience, son ressenti et c’est ça la liberté."


Courageuse, drôle, bienveillante, voilà comment l’on pourrait décrire Béatrice De La Boulaye. Mais l’actrice est bien plus que cela… Si on disait tout simplement qu’elle était notre héroïne ?

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