Des jours meilleurs : Elsa Bennett ose parler de l'alcoolisme chez les femmes !
- Dandeu Mathilde
- 22 avr.
- 6 min de lecture

Des Jours Meilleurs est une comédie qui mêle l'humour à la douceur, à la force, au combat de ces femmes qui se battent chaque jour pour guérir de l'alcoolisme. Une maladie honteuse, mais une maladie dont il faut briser le tabou. Pour cela, les réalisateurs Elsa Bennett et Hippolyte Dard ont décidé d'en parler dans un film poignant.
Par Mathilde Dandeu
La force du cinéma ? Briser les tabous, impacter, éduquer. Ainsi, les réalisateurs Elsa Bennett et Hippolyte Dard se sont servis de cette force pour parler en toute liberté de l'alcoolisme chez les femmes. Un sujet mis sous silence depuis des années, et qui pourtant existe bel et bien, détruisant des vies et des familles. Un sujet douloureux, mais à la fois indispensable pour éveiller les consciences, dont les cinéastes se sont emparés. "Des jours meilleurs" est un film de société, mais avec une présence accrue de poésie qui mène le public à s'attacher à toutes ces femmes, à leurs histoires, mais surtout à cette volonté de vouloir guérir. Rencontre avec Elsa Bennett.
Des jour meilleurs : briser le silence et responsabiliser la société
Des jours meilleurs est un film sur l'alcoolisme chez les femmes, un film fort. Est-ce que vous pouvez me parler de la genèse de ce projet ?
Elsa Bennett : C'est un sujet qui m'a touchée personnellement au niveau familial, et dont j'avais besoin de parler. C'est un sujet très sensible et encore tabou dans nos sociétés. L'alcoolisme chez les femmes est toujours nourri de honte et de culpabilité. Il y a un regard très négatif sur les femmes qui ont un problème avec l'alcool, alors que c'est une maladie.
Les gens qui ont un cancer, on ne les juge pas, mais parce qu'on n’a pas mis le mot maladie sur l'alcoolisme...
C'est ça que je voulais faire changer dans le regard des gens : faire comprendre que ce n'est pas un problème de volonté, de désir, d'envie. C'est une maladie qui doit être prise en charge par des addictologues, des médecins, des centres...
C'est important de faire évoluer la prise en charge, car il y a beaucoup de femmes qui se sentent invisibles, qui sont dans une profonde solitude, et c'est primordial de les aider à en sortir.
Comme vous dites, l'alcoolisme chez les femmes est très tabou. Quel serait, selon vous, le rôle des femmes — et même des hommes — pour lutter contre cette honte d'en parler ?
Elsa Bennett : Ce qu'il faut, c'est réussir à sortir ces femmes de la culpabilité et du silence. Pour cela, il faut en parler à travers des témoignages, des podcasts, des films... Il faut ouvrir le dialogue. Plus on en parlera, plus ces personnes pourront s'identifier à d'autres personnes qui vivent la même chose, et elles se sentiront moins seules.
Après, il faudrait plus de moyens, plus de centres, un accompagnement plus fort... Il faudrait une meilleure prise en charge dans notre société. Les centres sont surchargés. Ce n'est pas simple.
Dans votre film Des jours meilleurs, pour être au plus proche de la vérité, êtes-vous allée à la rencontre de femmes qui ont ou ont eu des soucis avec l'alcool ?
Elsa Bennett : Ma productrice, Vanessa Dijan a eu l'envie de s'emparer du sujet sans en avoir peur. Elle fait partie des premières personnes grâce à qui le film existe. On s'est rendu.es compte que c'était très difficile d'aller dans les centres. Ma productrice nous a fait rencontrer Laurence Cottet, une femme qui occupait un très haut poste chez Vinci et qui, à la suite de la perte de son mari est tombée dans l'alcoolisme. Aujourd'hui, cela fait 15 ans qu'elle est abstinente, qu'elle a inventé le Dry January. Elle prend en charge de nombreuses réunions pour aider les femmes à s'en sortir.

J'ai eu beaucoup de médecins et d'addictologues au téléphone pendant l'écriture du scénario. Mais la rencontre avec Laurence, qui nous a beaucoup parlé de ce qu'elle a pu traverser dans sa vie, a été très importante dans l'écriture. Ensuite, elle nous a ouvert les portes des centres ; on a pu s'y rendre avec les comédiennes. Les rencontres ont été très fortes, voir ces femmes dans un parcours de soins… Pour certaines, ce n'était pas leur première cure, pour d'autres, c'était la première.
Ces femmes nous ont remerciées de faire un film sur l'alcoolisme féminin, leur permettant de se raccrocher à un petit quelque chose.
Beaucoup de femmes se sont confiées, elles nous ont raconté leurs stratagèmes pour boire en cachette. C'était très touchant, émouvant, car on s'aperçoit comment l'alcool a pris le pouvoir dans leur vie, au point qu'elles en perdent le contrôle. Elles essaient de comprendre cette bascule dans leur vie.
Aujourd’hui, avec votre film, vous tendez à ce que le cinéma puisse briser le tabou sur l’alcoolisme chez les femmes. Mais est-ce que le cinéma ou même les séries n’ont pas, en quelque sorte incité à montrer que boire tous les jours son verre de vin en rentrant chez soi, ou son whisky était normal ?
Elsa Bennett : Peut-être… mais ça raconte aussi quelque chose de nos sociétés, où l'on boit de plus en plus. Les gens ressentent de plus en plus d’anxiété dans le monde dans lequel ils vivent, et boire leur petit verre en rentrant chez eux, c’est un peu leur décompresseur légal.
Ça permet d’oublier les soucis… On peut vite tomber dans ce cercle vicieux de rentrer à la maison et boire son petit verre. Et ça peut vite devenir un problème, quand on commence à boire seul.e, des quantités de plus en plus importantes, pas aux bonnes heures, quand on ne peut plus s’en passer et que l’on ne pense qu’à ça. Il faut que ça reste quelque chose de festif, ou lié à une bonne nouvelle à partager.
C’est un film dramatique, mais il y a quand même beaucoup d’humour et d’ironie, notamment cette phrase de Diane qui s’adresse à Clovis Cornillac : "C’est toi qui as eu l’idée de mettre des alcooliques au volant dans le désert ?" Est-ce que l’humour était essentiel avec un sujet aussi sombre finalement ?
Elsa Bennett : C’est très important, car au-delà de faire rire, ça aide à faire passer des messages, ça permet d’avoir des petits moments d’oxygène alors qu’on parle d’un sujet difficile. Ça permet de déculpabiliser les choses… Dans les centres, il y a aussi des rencontres, des moments où ils arrivent à rire. Il fallait amener cette petite touche de comédie qui permet de souffler et d’apporter une touche positive à cette addiction.
Dans votre film, vous représentez toutes les catégories sociales, tous les milieux, c'était important pour vous de montrer que l'alcoolisme, ça touche autant des familles qui n'ont pas vraiment d'argent, que des personnes très riches, qui connaissent parfois même la gloire et la célébrité ?
Elsa Bennett : C'est ce que l'on a vu dans les centres, il y a vraiment toutes les classes sociales, tous les univers... personne n'est à l'abri, chaque histoire est unique et c'est justement chaque histoire personnelle qui fait que l'on va avoir un terrain fragilisé, un terrain addictif. Qu'est-ce qui fait que dans un groupe de copains il y en a toujours un ou deux qui n'arrivent pas à se maîtriser... qu'ils font les choses de manière plus excessive que les autres. Il y a peut-être une fragilité que les autres n'ont pas.
Des jours meilleurs met en avant l'alcoolisme chez les femmes, mais je trouve aussi que c'est une ode à la femme, la femme naturelle avec des actrices qui osent se montrer sans maquillage...
Elsa Bennett : J'avais envie d'une certaine vérité. Le maquillage c'est un vrai sujet chez les femmes alcooliques, car beaucoup se cachent derrière pour dissimuler un visage un peu gonflé, des cernes... Le maquillage, c'est pour elles une manière de cacher cette addiction. Dans mon film, j'avais des actrices qui ne boivent pas, elles n'ont pas les traits d'une alcoolique qui arrive dans un centre. On a dû réaliser un maquillage qui n'était pas fait pour les rendre séduisantes. Il fallait que l'on y croie, qu'on ne se pose pas la question de leur situation.
De manière générale, comme l'alcool où il y a ceux qui boivent et d'autres qui prônent que le sans alcool, c'est beaucoup plus fun, il y a des gamines de 14 ans qui se surmaquillent avec des TikTok et passent leur temps dans les boutiques de maquillage. De l'autre, il y a de plus en plus de femmes qui ont une notoriété qui arrêtent le maquillage pour s'assumer comme elles sont. On vit un double mouvement de ça.
Elsa Bennett offre un film qui donne beaucoup d'espoir, un film de résilience pour toutes ces femmes qui ne rêvent que d'une seule chose : Des jours meilleurs...
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