
Si vous aimez les histoires de famille et d’autant plus complexe, Par Amour, d’Elise Otzenberger est le film à aller voir au cinéma. En salles depuis le 15 janvier, le long-métrage révèle la difficulté de garder un équilibre sain dans une famille, sans perdre pied lorsqu’un évènement surnaturel survient et peut tout perturber en un claquement de doigt. A quoi faut-il se raccrocher pour reprendre le dessus ? L’amour, ses propres croyances ou les deux ?
Par Mathilde Dandeu
"Par Amour", c’est l’histoire d’un couple qui avec les années, la routine du quotidien a perdu cette petite étincelle des débuts… Pourtant, Sarah et Antoine s’aiment, mais ne se comprennent plus vraiment. Auraient-ils pris des chemins différents sans s’en rendre compte ou ont-ils tout simplement fermé les yeux pour se contempler dans cette vie familliale ?
"Par Amour", offre une vision patriarcale (comme le veut le société) et incite ainsi à une prise de conscience, d’un schéma répétitif depuis des siècles… : d’un père trop absent pris par son métier, ici de journaliste et d’une mère qui reste à la maison à s’occuper des enfants, du ménage et se laisse submerger par tous les soucis. Puis, dans tout ce surmenage, il y a Simon leur aîné, qui entend des voix d’extraterrestres. Si le père préfère l’avis d’un psychologue, Sarah décide de croire son fils, de l’écouter et d’établir un nouveau mode de vie qu’elle pense être le meilleur pour celui qu’elle a mis au monde. Mais cette histoire va prendre une place démesurée dans la vie de cette famille et impact Sarah. La mère de famille se met à son tour à entendre des voix… Laisse t’elle sa part d’enfance prendre le dessus, sombre t-elle dans la folie, est-elle épuisée ou les extraterrestres existent-ils vraiment ? Pour connaître la réponse, on vous invite à découvrir Par Amour au cinéma.
Pour parler de ce long-métrage, nous avons rencontré Cécile de France qui incarne Sarah et la réalisatrice/scénariste Elise Otzenberger.
Cécile de France : "L’effet d’identification me passionne au cinéma"
PressEyes : Pour Cécile, est-ce que vous pouvez me parler de votre personnage Sarah ?
Cécile de France : C’est une maman et une femme au bord du burn out, elle se débat avec son quotidien, ses frustrations, ses problématiques. Elle est enfermée dans sa charge mentale, elle est angoissée, surmenée. Elle est vraiment en crise et seule pour s’occuper de ses deux garçons. On voit que c’est très compliqué dans son couple. Ils s’aiment, mais leur mariage s’est usé avec le temps, le quotidien. Puis, il va survenir un évènement fantastique, surnaturel, qui va bouleverser la famille. Elle va décider de s’occuper de manière pragmatique de ce problème et puis, elle va écouter son instinct. Elle va accompagner son enfant et le croire, qui va lui raconter une histoire incroyable. Elle va amener sa famille dans un parcours insensé, prendre des risques et on se demande où tout ça va les mener.
PressEyes : C’est une famille finalement à laquelle on peut facilement s’identifier, qu’elle est l’importance de jouer ces personnages auxquels on peut se comparer ?
Cécile de France : En tant qu’actrice c’est toujours passionnant de pouvoir offrir un personnage, une héroïne auquel on peut s’identifier. L’effet d’identification me passionne au cinéma, même en tant que spectatrice j’ai besoin de me reconnaître. Pendant longtemps j’ai manqué de modèles auxquels je pouvais me référer, il y avait plus de personnages principaux masculins, jusqu’à… nos jours (rire), c’est en train de changer. Pour moi c’est primordial que ça raisonne en nous, en tant que spectatrice, parce que je suis une femme, mais un homme peut aussi se reconnaître dans le rôle de Sarah.
PressEyes : Comme le disait Cécile, cette maman est au bord de la crise de nerf, c’était important de faire prendre conscience que les mères ont très souvent une charge mentale importante ?
Elise Otzenberger : Dès le départ, dès que j’ai imaginé l’histoire de cette famille, de cette maman et de ses petits garçons, je voulais parler de cette réalité là, de ces schémas de famille qui sont encore partagés par le plus grand nombre, même si c’est en train de bouger. Mais la réalité encore est, que les hommes gagnent plus d’argent que les femmes, donc c’est souvent elles qui s’arrêtent pour rester à la maison. Après, on a essayé de construire une famille où ce papa ne se complait pas la dedans, il souffre de cette situation. Je voulais vraiment raconter une famille qui s’aime, pour qui "tout devrait bien aller", mais qui malgré tout, se fait écraser par les dictats de la société et de cette image du patriarcat.
PressEyes : Vous dite Elise, que le père souffre de la situation, mais en même temps j’ai le sentiment qu’il ne se rend pas compte au début que sa femme est malheureuse, surmenée…
Elise Otzenberger : Cette réalité sociale fait aujourd’hui que comme les pères sont moins présents, il est moins connecté à ses enfants, il ne prend pas conscience de tout ce que doit gérer sa femme… Mais quand il finit par voir, il prend peur… et il a raison, parce que ce que fait le personnage de Sarah, peut être inquiétant pour un parent qui découvre qu’elle ne les emmène plus à l’école. Mais, il est un peu à côté. Je vais vous raconter une petite anecdote : sur le tournage, les gens qui travaillent dans le cinéma sont des intermittents, c’est souvent des familles où il y a l’un ou l’autre qui part. On avait une équipe géniale assez jeune et très engagée sur les propos du film et ça arrivait à des moments de dialogue que des gens qui se sentaient concernés par ce que le film racontait, regardent un peu leurs chaussures (rire). Car oui, c’est encore les papas qui sont moins là.
PressEyes : Pour revenir à Sarah, c’est un personnage d’une grande complexité, on ne sait pas trop si elle sombre dans la folie, si elle est juste épuisée… si c’est à force de croire son fils, qu’elle finit elle aussi par entendre/voir des choses. Comment vous l’avez travaillé ?
Cécile de France : J’ai concentré mon temps et mon énergie à ce que me proposait Elise : créer des liens véritables avec les enfants, arriver à créer une famille avec Arthur (Igual). Le gros challenge était qu’en six semaines on arrive à sublimer Darius et Navid - les deux jeunes acteurs - et qu’ils soient partant, heureux avec nous de raconter cette histoire. On a tout fait pour que ce soit une aventure joyeuse pour eux. Et ça, ça a demandé l’importance de mettre en place un terrain doux, bienveillant, compréhensif pour eux pour que ce soit un tournage où Elise pouvait les diriger et où j’avais ma place pour exprimer la partition de mon personnage et créer avec eux ces liens d’amour. On s’est concentrés la-dessus.
Darius et Navid Zarrabian sont frères, pourquoi ce choix ? Est-ce que c’était pour vous plus facile de les diriger, dans cette histoire assez difficile finalement pour des enfants ?
Elise Otzenberger : C’était un cadeau génial, car il y avait plein de choses qui n’étaient pas jouées, comme ils étaient frères dans la vraie vie. Mais je n’ai pas cherché de frères, ils sont apparus au cours du casting et c’était un cadeau génial de les découvrir.
Vous êtes mamans toutes les deux, comment on se retrouve en tant que femme après ces moments de surcharges ?
Elise Otzenberger : J’ai trois garçons, mais le dernier a une plus grande différence d’âge. Mais je me souviens quand mes deux grands étaient petits, j’ai eu des moments de grandes fatigues. C’est des moments très compliqués, car on est à la fois heureux, où l’on est en phase avec le vivant, et en même temps, on peut être épuisé. J’ai des souvenirs comme ça un peu compliqués. Et comment on reprend pied ? La nature est bien faite, et les choses se mettent en place, c’est un truc de grand-mère, mais les choses passent, il faut simplement être patient… Après j’ai de la chance, car tout s’est toujours quand même bien passé, quand chez d’autres personnes c’est plus difficile. Je pense que la clef, c’est que je fais un métier où je suis rattrapée par ce que j’ai envie de faire, de créer, ça me remet en phase avec mes émotions et c’est évidement pas le cas pour plein de femmes, qui ont peut être des métiers moins gratifiants ou qui font des métiers qu’elles n’aiment pas… donc je ne suis pas vraiment représentative de plein de femmes qui vivent des moments très durs dans leur maternité et doivent retourner travailler par obligation, mais en même temps, rester à la maison c’est aussi fatiguant… donc il y a des situations je pense très compliquées.
Cécile de France : Pareil, je pense que faire un métier artistique ça contribue vraiment à notre épanouissement personnel. Quand on est remplie et passionnée, on est aussi plus disposée à endosser le rôle de maman et moi j’adore être maman. Un tournage aussi c’est épuisant, mais j’oublie l’épuisement que je peux avoir en tant que maman, car on est récompensée par tellement d’amour et tout ce cocktail d’hormones ocytocines, dopamines…. Tous ces liens d’attachements ont un prix inestimable, c’est ce qu'il y a de plus merveilleux sur terre.
Au-delà de cette maman surchargée, il y a Simon qui entend des voix, est-ce que vous vous êtes inspirée de vos enfants pour cette histoire imaginaire ?
Elise Otzenberger : Beaucoup en les regardant jouer, en les regardant s’inventer des histoires insensées avec des amis imaginaires, c’est vraiment en observant le jeu. C’est tellement merveilleux quand les enfants jouent et quand on apprend à être acteur c’est ce que l’on essaie de retrouver, d’être dans une réalité de jeu.
Dans le film, il y a la notion de confiance, avec une phrase qui m’a touché de Simon quand il dit à Sarah : "oui mais tu ne vas pas me croire", je voulais savoir, quelle est l’importance en tant que parent de ne pas se moquer et être à l’écoute ?
Cécile de France : Il ne faut pas oublier notre propre enfance, notre propre adolescence pour rester connecté à eux. Il faut tout simplement en une seconde se rappeler ce que ça été pour nous et être en empathie totale, en compréhension et en connexion avec eux. C’est merveilleux d’avoir leur confiance, leurs confidences, ce sont des moments exceptionnels à vivre. Toutes les deux on était raccord la-dessus. Ce film c’est aussi une conviction personnelle de cette connexion à nos enfants et se rapport harmonieux que l’on peut avoir avec eux.
Elise Otzenberger : C’est vrai que c’est difficile, car j’ai des grands qui rentrent dans l’adolescence ou qui y sont. Et c’est un peu ce qui se raconte dans le film et ce qui fait que l’on ne croit plus, c’est la peur, on est rattrapé par la peur : une copine, une voisine, qui va nous faire comprendre que ce n’est pas normal… si on a confiance, que l’on est bien et en phase, c’est la société qui vient nous faire peur, et il faut garder ces liens très forts dans la famille et ne pas se faire écraser.
Cécile de France : Il faut arrêter d’écouter les conseils des uns et des autres, sans s’enfermer non plus, mais avec ses enfants je pense qu’il faut surtout écouter son coeur, son instinct car en tant que parent je pense que l’on est le mieux placé pour savoir ce qui est bon pour eux.
Est-ce que l’on peut dire finalement que ce film met en avant l’importance de la communication ?
Elise Otzenberger : Je pense qu’il est beaucoup question de ça et mon envie de faire un film fantastique, parlait beaucoup de ça aussi. Si on est capable de communiquer, d’entendre des choses qui viennent de très loin, même d’ailleurs, c’est que l’on va bien et que l’on est prêt à entendre des gens beaucoup plus près, de les accueillir, de les accepter, donc c’est un bon chemin.
Comment vos décririez Sarah en trois mots ?
Cécile de France : Maman, entière, ancrée et instinctive.
Elise Otzenberger : Bon on en a dit quatre (rire).
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