
Il y a des histoires vraies rayonnantes, des histoires vraies qui font rêver sur des inventions spectaculaires. Puis, il y a des histoires vraies plus sombres, mais fondamentales pour faire bouger les choses, pour faire prendre conscience que les femmes ne sont toujours pas entendues par la justice, les menant à des actes regrettables… Pour cela, Nismet a voulu raconter sa propre histoire, espérant libérer la parole à celles qui ne l’ont plus depuis des mois, des années… Pour l’incarner, elle a choisi Emma Boulanouar, que l’on a pu rencontrer pour notre Monday Story. Une jeune actrice prometteuse, dont la bienveillance est le maître mot.
Par Mathilde Dandeu
C’est au café Dose que nous nous rejoignons avec Emma Boulanouar. Une de mes adresses parisiennes préférées pour y boire un bon chaï latte. À mon arrivée, Emma est déjà installée avec son café. Avant de démarrer mon long interrogatoire, nous parlons de tout et de rien et notamment de mes prochaines vacances en Belgique. C’est ainsi que j’apprends qu’Emma est belge, d’où peut-être cette gentillesse débordante… J’ai entendu dire à plusieurs reprises que les Belges étaient l’une des populations les plus sympathiques et accueillantes.
C’est donc en Belgique qu’Emma se découvre une passion pour le jeu. Un pays où le cinéma occupe une place importante ; citons le talent de Benoît Poelvoorde, François Damiens, Virginie Efira, Daphné Patakia ou encore Jean-Claude Van Damme, pour n’en mentionner que quelques-uns. Il ne fait aucun doute, qu’Emma rejoindra un jour cette liste des plus grands noms du cinéma belge. Il suffit de la voir jouer pour en être convaincu.
L’importance de l’autre dans le jeu
Emma est une véritable passionnée, avide de découvertes : « J’adore apprendre de nouvelles disciplines dans mon travail. Sur Nismet, j’ai suivi des cours de pole dance, et c’était vraiment amusant d’apprendre quelque chose de nouveau. »
Ce qu’elle aime aussi dans l’art du cinéma et de la télévision, ce sont les relations humaines, indispensables pour elle pour interpréter un texte avec justesse : « J’aime travailler avec des gens qui portent des scénarios qui défendent vraiment quelque chose. J’aime me sentir entourée par une équipe. Travailler en groupe me porte énormément, et c’est essentiel de créer quelque chose tous ensemble. »
En quelques mots, Emma balaie les clichés sur l’égo des acteurs et des actrices. L’une de ses premières expériences en équipe, vécue comme une grande colonie de vacances, fut avec Ici Tout Commence.
L’apprentissage d’un tournage intensif
Diffusée du lundi au vendredi à partir de 18h30 sur TF1, "Ici Tout Commence" a su trouver son public, et ce, depuis la première saison. En effet, la quotidienne rassemble en moyenne 4,8 millions de téléspectateurs par semaine, ce qui en fait la quotidienne la plus regardée de la télévision. Un succès fulgurant que les acteurs vivent au quotidien.
Emma est arrivée lors de la saison 3 de la série. Elle a pu compter sur le soutien des anciens élèves de L’Institut Auguste Armand pour se sentir entourée et affronter cette médiatisation soudaine. "Benjamin Douba Paris, Thomas Da Costa ont été les premiers à nous accueillir et à nous rassurer sur l’engouement autour de la série."
Mais c’est surtout auprès de sa promotion qu’elle a pu trouver du réconfort. Tous nouveaux, ils ont pu se soutenir et créer une véritable cohésion d’équipe, comme elle les aime tant : "On a créé une team, et c’est plus rassurant que de le vivre tout seul. Puis, on était tous très bien encadrés."
Une aventure humaine, mais qui n’a pas été de tout repos. Accepter un rôle dans "Ici Tout Commence", c’est accepter de tourner tous les jours, d’être en forme malgré les moments de faiblesse. C’est accepter de moins sortir, de moins voir ses ami(e)s. "C’était, je pense, une des meilleures formations. Ça t’apprend à avoir un rythme sur le long terme. Il n’y a pas de place pour être tranquille, c’est comme un cardio. Sur ITC, j’avais une hygiène de vie beaucoup plus carrée, comme ne plus sortir les week-ends. Ça m’a beaucoup aidée sur Nismet pour tenir les trois mois de tournage, avec de gros morceaux de texte et des passages très intenses."
Après avoir fait le tour du personnage de Samia dans "Ici Tout Commence", Emma décide de quitter la série pour se consacrer à d’autres projets. Une décision qu’elle ne regrettera pas, puisqu’elle décroche le premier rôle en incarnant Nismet dans la série éponyme.
Un jeu au plus proche de la réalité
"Quand j’ai lu le scénario, j’étais hyper ému, je crois que j’étais même en larmes. Au départ, j’ai eu très peur et, en même temps, j’avais tellement envie de défendre cette histoire."
"Nismet" n’est pas l’histoire la plus joyeuse, bien que la fin soit douce et pleine d’espoir pour toutes ces femmes qui, comme Nismet, vivent la même chose.
Inspirée de la véritable vie de Nismet Hrehorchuk, la mini-série de quatre épisodes, diffusée sur Arte dès le 27 février, raconte le parcours d’une adolescente abusée par son beau-père, qui décide de fuir. Rattrapée par la police, Nismet choisit d’aller vivre en foyer, laissant sa mère seule entre les mains de Denis. Alors que la culpabilité la ronge, elle se rend chez sa mère un jour de sortie autorisée. Elle tente de lui ouvrir les yeux sur la véritable personnalité de cet homme et lui avoue qu’il a abusé d’elle. C’en est trop pour Najoua : personne n’a le droit de poser les mains sur sa fille. Un soir, après avoir drogué son mari, elle le poignarde. Après tout, c’était lui ou elle. Malheureusement, la justice ne l’a pas vraiment vu de cet œil…
Une histoire forte et touchante, dont Emma est aujourd’hui la porte-parole d’un combat que toutes les femmes doivent défendre : celui de l’injustice de la justice face à toutes celles qui ne sont pas entendues. "On voit encore des femmes aujourd’hui se faire battre, qui ne sont pas entendues, et ça pose la question de la légitime défense, de l’emprise… Tous ces schémas-là, on ne met des mots dessus que depuis très peu de temps. C’est important de montrer ces représentations, de dresser des portraits de femmes sans jugement, sans dire si c’est bien ou mal, juste d’être réaliste sur ce qu’il se passe et de montrer que cela peut aussi donner de belles choses, comme le parcours de Nismet."
Sous une certaine pression qu’elle s’inflige elle-même : "C’était beaucoup de responsabilité, du fait que ce soit une histoire vraie, bien qu’il y ait une responsabilité dans tout, même dans Ici Tout Commence", Emma réussit avec talent à se glisser dans la peau de Nismet :
C’était tellement intime, tellement brut, que je me disais que je devais être à fond dedans.
Sa justesse est telle que le spectateur devient presque témoin de cette histoire, se laissant porter par une vague d’émotions. Une émotion qu’elle a pu voir dans les yeux de Nismet, qui fait aujourd’hui partie de son entourage proche.
La rencontre entre Nismet et Emma Boulanouar
Lorsqu’Emma parle de Nismet, on pourrait presque voir des étoiles briller dans ses yeux. La comédienne n’est pas avare de compliments envers la scénariste : "On s’est rencontrées pendant les essais, et elle m’a tout de suite beaucoup touchée. Elle a une présence, un charisme impressionnant."
Le scénario étant très dense, les deux femmes n’ont pas vraiment eu le temps d’échanger pendant le tournage. De plus, le créateur, Philippe Faucon, avait déjà une idée précise de sa mise en scène. Peut-être ne voulait-il pas qu’Emma se laisse influencer par une mimique ou une expression que Nismet aurait pu avoir si elles avaient passé trop de temps ensemble.
Ayant tout de même des scènes en commun, Nismet ne pouvait s’empêcher d’aller voir jouer sa nouvelle protégée : "Quand je la voyais émue après certaines prises, c’était une trop belle récompense. "
Une authenticité qu’Emma doit aussi à ses partenaires de jeu, comme Théo Costa-Marina, qui incarne Denis, son beau-père – un personnage que l’on ne peut qualifier que d’ordure, à l’opposé de ce qu’est le comédien. Emma le décrit comme délicat et très à l’écoute : "Théo, c’est un super acteur. Dès que le réal disait 'moteur', il devenait terrifiant, mais en dehors des prises, il faisait vraiment attention. C’est le meilleur moyen pour un acteur de se libérer dans son jeu : savoir que l’on peut faire confiance à la personne en face de soi."
Si Nismet est une histoire éprouvante et déchirante, la série offre tout de même un peu d’espoir aux femmes ayant vécu le même sort que le personnage. C’est aussi une histoire de femmes et de féminisme.
Nismet : une girl power girl !
À 18 ans, Nismet a dû se débrouiller seule, sans l’aide dont elle bénéficiait lorsqu’elle était en foyer. Pour subvenir à ses besoins, payer ses études et son loyer, elle accepte un job de strip-teaseuse. Les scènes de danse illustrent les rapports complexes entre les hommes et les femmes. La série met ainsi en lumière plusieurs visions de la femme : celle de l’objet de désir, celle de la femme forte, puissante et intouchable, et enfin celle qui est protégée par les gérants et toute l’équipe du bar.
Différentes facettes qu’Emma a aimé explorer. "Je trouvais intéressant d’approfondir tout le rapport au corps. C’est un corps qui a été violé, qui a été abusé et qui, d’un coup, devient un corps objet, sexualisé. Et en même temps, il est contrôlé dans le sens où elle ne fait pas n’importe quoi et où elle est protégée. Je trouvais ça fascinant et je pense que cela en dit long sur le personnage : elle reprend possession de son corps, qui lui appartient avant tout."
Devenir strip-teaseuse est un métier que beaucoup de femmes n’ont pas vraiment choisi, ou qu’au contraire, elles assument et exercent avec un certain plaisir et pouvoir. Ainsi, la série Nismet ne présente pas cette profession de manière vulgaire : le strip-tease devient le combat d’une femme, une féministe qui ose montrer son corps et en disposer comme elle l’entend. Un corps inaccessible et puissant qu’aucun homme n’a désormais le droit de toucher.
Je pense que toutes les travailleuses du sexe, que l’on a tendance à mettre de côté dans la société, sont pour la plupart des symboles du féminisme.
Une phrase percutante qui marque la fin de notre rencontre. Mais avant de nous quitter, Emma me confie en quelques mots sa définition de Nismet : "Forte, résiliente, avec une empathie et une sensibilité profondes."
Quant à moi, si je devais définir Emma, je dirais solaire, impliquée, déterminée et talentueuse. Elle fait partie de ces jeunes comédiennes dont on sait déjà qu’elles compteront parmi les grands talents du 7e art.
"Nismet", une série à ne surtout pas manquer. Et quoi de mieux qu’un lundi pour débuter un nouveau programme ? Retrouvez Nismet sur Arte.tv ou dès le 27 février à la télévision.
コメント