La fin de vie fait peur à tout le monde, malgré le fait que nous soyons tous conscients que personne n’est immortel. Heureusement, il y a Costa-Gavras qui donne une nouvelle image à la mort avec une certaine poésie dans Le Dernier Souffle, sorti le 12 février. Un magnifique film porté par Kad Merad, Denis Podalydès et Marilyne Canto.

Par Mathilde Dandeu
Après une batterie d’examens, le diagnostic est sans appel : Fabrice est bien atteint d’un cancer latent. Les médecins sont dans l’incapacité de lui dire quand ce dernier se réveillera, mais ce qui est certain, c’est qu’il faudra agir vite, car il s’annonce agressif. Une nouvelle qui terrorise Fabrice, qui se sent du jour au lendemain plus proche de la mort… C’est alors qu’il fait la rencontre du Docteur Augustin Masset, responsable du service des soins palliatifs, autrement dit, le service de fin de vie.
L’entente entre les deux hommes est immédiate, et Augustin décide de montrer à Fabrice comment ils accompagnent toutes ces personnes en fin de vie. Commence alors pour l’écrivain et philosophe une série de visites. Des visites toutes plus bouleversantes les unes que les autres, mais aussi poétiques, de voir à quel point les médecins sont à l’écoute de leurs patients, qui leur demandent de réaliser leurs derniers souhaits. Encouragé par sa femme, Fabrice propose à Augustin d’écrire un livre ensemble, pour mettre en lumière que la fin de vie peut être douce.
Pour parler de ce magnifique film sur la mort (n’ayons pas peur des mots), nous avons rencontré Marilyne Canto, qui joue Florence, la femme de Fabrice, incarné par Denis Podalydès.
Le Dernier Souffle : de la mort à la poésie
PressEyes : Est-ce que vous pouvez me parler de Florence dans Le Dernier Souffle de Costa-Gavras ?
Marilyne Canto : C’est la femme du philosophe, qui joue un rôle actif dans l’amitié qui va se créer entre son mari et un médecin. Elle va être à l’origine d’un livre qu’ils vont écrire ensemble. Ce livre traitera de la fin de vie, puisque ce médecin dirige une unité de soins palliatifs.
PressEyes : Est-ce que vous aviez conscience de tout le travail psychologique de ces médecins pour accompagner ces personnes en fin de vie ?
Marilyne Canto : Je ne savais pas qu’on pouvait inventer à ce point des formes de départ. Dans le film, il y a plein d’exemples de départs incroyables, avec beaucoup de dignité pour certains, comme cet homme motard, où tous ses copains lui font une ronde d’honneur en moto. C’est magnifique et poignant. Je savais qu’il y avait des protocoles, mais qu’on puisse rendre la fin de vie aussi douce et sereine, je ne pouvais pas l’imaginer. Je trouve que cela donne une image optimiste du départ et c’est pour cette raison que j’aime ce film : il montre qu’on peut envisager la fin sereinement.
PressEyes : Au-delà du thème de la mort, peut-on dire que c’est un film qui parle d’espoir et qui tente de rassurer les gens sur la fin de vie ?
Marilyne Canto : C’est un message d’espoir pour ceux qui partent, mais aussi pour ceux qui restent. On voit que l’on peut être accompagné jusqu’au bout, jusqu’au dernier moment, avec le désir de celui qui va partir, comme cette femme qui veut manger des huîtres avec son fils avant de mourir. C’est une histoire extraordinaire. C’est très optimiste. Il faut savoir que tous les cas dans le film sont réels.
PressEyes : Je trouve qu’il y a une véritable poésie autour de la mort, ce qui rend le film très beau…
Marilyne Canto : Tout à fait. Ce n’est pas un film pathos ou pathétique sur la mort. C’est comme un manège où l’on voit tous ces cas. Bien évidemment, il y a des cas plus difficiles, comme cette jeune fille qui est trop jeune pour mourir. Mais pour les autres cas, je trouve que la mise en scène offre une véritable poésie à la mort.
PressEyes : C’est l’un des rares films à montrer le service des soins palliatifs. Quel message souhaitez-vous faire passer à tous ces médecins, qui doivent avoir des journées assez compliquées ?
Marilyne Canto : J’ai envie de leur souhaiter du courage et des moyens financiers. C’est une unité particulière et je pense qu’en France, il n’y a pas assez de moyens pour les services de soins palliatifs. Avec un peu plus d’argent, ils pourraient organiser du mieux qu’ils peuvent le départ des patients.
PressEyes : Avant de tourner le film, avez-vous rencontré des familles ayant une personne en fin de vie, ou des médecins de soins palliatifs ?
Marilyne Canto : Non, j’ai lu le livre, car c’est tiré d’un échange entre un philosophe et un médecin. On a beaucoup parlé de cette unité. J’ai beaucoup échangé avec le médecin, qui m’a raconté comment il organisait les choses. C’était déjà dans le livre, mais j’ai pu le rencontrer et parler avec lui. Il est même venu sur le tournage.
PressEyes : Il y a le thème de la mort, mais aussi de la maladie, notamment avec le personnage principal qui a une maladie qui peut se réveiller à tout moment. Comment avez-vous travaillé votre personnage, car vous avez trouvé une très belle justesse par rapport à l’espoir et au côté positif.
Marilyne Canto : Au départ, cette femme est terrorisée par cette nouvelle, mais elle ne le montre pas. Au contraire, elle pousse son mari à la vie, à prendre des décisions, comme ce livre qu’elle lui dit de faire. Pour elle, le sujet de la fin de vie peut intéresser tout le monde et en même temps libérer les angoisses de son mari par rapport à sa maladie qui peut se réveiller à tout moment. Mais elle le fait d’une manière très subtile, elle prétexte ce livre, car elle sait que cela va l’intéresser et le mettre dans un mouvement vital. Ils ont un rapport très fusionnel, ce couple. On sent qu’ils sont très unis, qu’ils traversent tout ensemble et se soutiennent mutuellement. Florence a une présence très énergique. Je pensais : il faut qu’elle soit énergique, cette femme. Comme c’est un film avec des malades, des gens en fin de vie, elle doit incarner une sorte de vitalité, d’énergie, qui fait qu’elle reçoit, organise. Elle est parfois autoritaire, voire un peu moqueuse… Elle est le contraire de la maladie, elle est bien vivante.
PressEyes : Toute cette énergie qu’elle dégage, je l’ai ressentie comme une préparation au combat, si la maladie de son mari se réveille…
Marilyne Canto : C’est ça. Puis, il y a cette scène dans la voiture, où elle demande à son mari s’il a parlé de ses angoisses. Même cela, elle y pense. Elle se dit que ce serait bien qu’il parle avec ce médecin joué par Kad Merad. Elle pense à toutes les possibilités pour qu’il ne soit pas obsédé par cette épée de Damoclès qu’il a au-dessus de la tête, une tumeur potentielle. Elle est très directe, très franche.
PressEyes : Florence permet aussi de prendre conscience de toute la charge mentale de la famille qui accompagne les malades. Dans Le Dernier Souffle, il y a le patient qui va mourir, mais aussi toute la charge mentale de la famille qui, en fin de compte, est celle qui souffre le plus, puisqu’elle reste pour pleurer un membre disparu.
Marilyne Canto : C’est ça qui est beau dans le film, il n’y a pas que les malades. Il y a aussi tous ceux qui accompagnent. C’est un film qui parle vraiment de l’accompagnement, à la fois des malades, mais aussi de ceux qui restent. Comment on va pouvoir leur faire supporter le départ de leurs proches. Cela n’est jamais représenté, et on ne sait pas que cela pouvait exister. Il est important de parler de la mort, cela ne doit pas être tabou. On est tous terrifiés, que ce soit ceux qui partent ou ceux qui restent. Il est essentiel de délier les langues sur la mort.
PressEyes : Quel est le message le plus fort du film ?
Marilyne Canto : On peut envisager de partir sereinement, que c’est possible, qu’il y a des façons de dire au revoir à la vie et de partir dignement. Le patient peut choisir de partir de la manière qu’il souhaite. Je ne parle pas d’euthanasie, mais d’organiser sa fin de vie afin que ce soit paisible pour tout le monde. Ce film donne une douceur à la mort, que je n’avais pas imaginée.
PressEyes : Quels sont les trois adjectifs que vous choisiriez pour définir Florence ?
Marilyne Canto : Aimante, vivante et ensemble. C’est vraiment ça. Ils s’aiment, ils sont bien vivants, même si lui a une maladie latente, il est bien vivant, et ils sont ensemble. Ils vont traverser cette nouvelle ensemble et écrire ce livre. C’est elle qui tape tout à la machine et lui donne les épreuves. Ils sont vraiment à deux dans un travail philosophique. Elle n’est pas juste la femme de, elle est active.
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