Joseph Olivennes, vous ne connaissez peut-être pas encore son nom, mais ce ne sera qu’une question de temps. À l’affiche du film La Vallée des fous, en salles depuis le 13 novembre, le comédien dans la peau de Ferdinand, il lui offre une véritable authenticité, comme s’il ne faisait qu’un avec lui. Pour PressEyes, l’acteur nous parle du film et de sa préparation pour donner vie à son personnage.
Par Mathilde Dandeu
Après la disparition de sa femme, Jean-Paul se noit dans l’alcool, laissant son restaurant aller vers la faillite… La situation devenue insupportable, Ferdinand, son fils aîné quitte le foyer familial, laissant sa petite soeur, dans un environnement peu sain. Heureusement, Camille peut compter sur le soutien de son grand-père, qui fait tout pour lui apporter un peu d’équilibre. Cribler de dette e voyant sa famille se déchirer par sa faute, Jean-Paul passionné de Voile décide de participer au Vendée Globe mais d’une manière bien particulière. En effet il s’y inscrit via Virtual Regatta, la course visuelle du Vendée Globe. Dans les conditions d’un vrai Skiper, il reste enfermé pendant trois mois sur son batteur dans son jardin sans aucun contact avec sa famille. Une manière pour lui de se débarrasser de ses démons et de reconstruire cette famille qu’il a perdu.
Pour parler de La Vallée des fous, en salles depuis le 13 novembre 2024, on a pu rencontrer Joseph Olivennes
La Vallée des Fous : Un voyage familial vers la lumière
Est-ce que tu peux me présenter ton personnage ?
Joseph Olivennes : "Ferdinand, c’est le fils de Jean-Paul, le grand frère de Camille, le petit-fils de Pierre. Il a grandi dans les cuisines du restaurant familial quand la mère était encore vivante. Puis, il est parti à cause de situations compliquées dans la famille, surtout avec le père. Il est allé vivre ailleurs et a poursuivi son travail de cuisto. Quand Jean-Paul décide d’aller faire le Vendée des Globes au fond du Jardin, c’est Pierre, le père de Jean-Paul, le grand-père de Ferdinand qui vient lui demander de reprendre la cuisine de ce restaurant familial. C’est compliqué pour le personnage, car c’est retourner dans l’endroit qu’il a quitté brutalement, devoir renouer avec le père. C’est à la fois un pas un avant, car il va être chef de cette cuisine, mais en même temps c’est compliqué parce qu’il a l’impression de revenir à certaines choses qu’il a voulu quitter. Il va essayer de comprendre ce qu’il veut faire et s’il est prêt à affronter l’enjeu émotionnel et professionnel que ça représente."
Il revient… mais il revient surtout pour sa petite soeur et son grand-père ?
Joseph Olivennes : "Je pense beaucoup pour sa petite soeur, mais c’est aussi important pour lui, car il va avoir enfin sa cuisine. C’est quand même un chef qui essaie d’expérimenter des trucs et qui a son propre style. Il y a un ensemble de facteurs : c’est un choix qui se propose à lui qui est assez complexe. Ce n'est pas oui ou non. Il y a beaucoup de pour, il y a beaucoup de contre. C’est compliqué à démêler et il va essayer de le faire tout en comprenant ce qu’il fait, en essayant de s’en sortir, puis il y a des moments où il va vouloir tout arrêter. "
Est-ce que tu peux me donner un trait de caractère que tu as adoré chez Ferdinand et un trait de caractère que tu as moins aimé ?
Joseph Olivennes : "C’est marrant car ce n’est pas vraiment comme ça que je travaille mes personnages. Quand tu essaie de t’en rapprocher, tu n’essaie pas de savoir ce que tu aimes et ce que tu n’aimes pas, mais plutôt de comprendre les chemins. Ce que je trouve intéressant, c’est qu’il a des réactions similaires à celles de son père, il est un peu têtu, buté. Ce n’est pas évident pour lui de mettre son drame de côté, pour voir celui de son père, de sa soeur. Il est parti dans un environnement pas vraiment sain pour la petite, donc c’est peut-être ce côté que j’aime le moins. Mais en même temps, je ne peux pas me dire que je n’aime pas ça, car je dois comprendre ce qui a fait que. Et c’est ça qui fait que ça construit un personnage, car de toute façon on a tous en nous des choses bien et pas bien. Et ce que j’aime chez lui, c’est son excitation, sa détermination, prêt à relever des défis. On en revient encore au père, qui est déterminé à relever le défi de s’enfermer trois mois dans son bateau. Il y a un parallèle entre le fils et le père dans le scénario qui est hyper intéressant."
On va parler d’un autre grand défi par rapport au père, qui est celui d’arrêter l’alcool. En tant que comédien, qu’est-ce qui est intéressant de parler de l’alcoolisme et des répercussions sur une famille ?
Jospeh Olivennes : "Pendant les avants premières, j’ai pu remarquer que c’est un sujet qui touche. Nous ne sommes pas le pays le plus sobre qu’il soit. C’est à la fois une richesse, parce que même moi j’aime bien un petit verre de vin* de temps en temps. Donc c’est à la fois quelque chose de très riche, que l’on partage et qui peut être très beau. Et en même temps, c’est quelque chose qui peut vite devenir sombre, où les individus se renferment sur eux-mêmes. Mais ce que je trouve intéressant dans ce film, c’est que ce n’est pas un film sur l’alcoolisme, mais que le sujet et là comme une sorte de spectre. Je trouve ça très juste de la part de Xavier et de Marie-Julie dans l’écriture du scénario. C’est vraiment un parallèle, le but du film ce n’est pas qu’il arrête l’alcool, le but du film c’est qu’il finisse sa course du Vendée Globe. Mais pour Ferdinand et Camille, le but du film est qu’il arrête l’alcool, ils s’en foutent un peu du Vendée Globe, ils veulent juste retrouver leur père sobre. Ce côté un peu sous jacent de l’alcool qui est difficile à nommer, à aborder à prendre en charge, je trouve ça très juste. L’alcoolisme touche beaucoup de gens, de plus en plus et partout dans le monde. Mais j’ai quand même ce sentiment, que l’on se rend de plus en plus compte de la dangerosité de cette addiction."
*La consommation d'alcool est dangereuse pour la santé
Dans le cinéma, les séries, on voit beaucoup de personnages qui boivent leur verre de vin tous les soirs, leur verre de whisky, comme si c’était quelque chose de normal et de pas dangereux. Je trouve que le film déconstruit un peu cette image et montre que l’alcool tous les soirs ce n’est pas glamour et normal.
Joseph Olivennes : "Dans le monde du théâtre et du cinéma, l’alcool est quand même très présent. Ça reste un métier où l’on a des piques d’adrénaline, on peut finir tard que ce soit en tournage ou pour une représentation. Les frontières entre le social et le professionnel sont souvent brouillées. C’est un milieu à risque (rire). Mais c’est de plus en plus fréquent que l’on puisse désormais demander dans un bar une bière sans alcool, puis il y a des artistes aussi qui influencent à moins boire, comme Tom Hollande qui a sorti sa boisson sans alcool."
Comment as-tu travaillé Ferdinand, est-ce que tu t’es renseigné auprès de personnes qui auraient une personne alcoolique dans leur entourage ?
Joseph Olivennes : "Pour moi, la question principale c’était moins l’alcool que le fait d’avoir quitté la maison. Tout ça est mêlé au fait qu’il y a la mort de la mère et je dois dire que je me suis plus accroché à ça, je pense que c’est l’évènement déclencheur. Ce que je me raconte, c’est que du temps où la mère était là tout allait bien et que l’alcool est une conséquence de son décès. Ferdinand a très peu de relation avec le père, qui est l’un des sujets du films. Ce rapport à l’alcool était moins présent, contrairement à la relation compliquée entre Ferdinand et son père. Ferdinand est conscient que le comportement de son père est de toute façon lié à l’alcool. Je pense que tant que le père n’est pas capable de se remettre de la mort de sa femme, personne ne peut. On en parle assez peu, mais tout ce film montre que la mort d’une personne proche peu déséquilibrer toute une famille. Il s’avère que j’étais au contact de gens qui ont pu traverser une telle épreuve et je pense que c’est ça qui m’a le plus touché. C’est le déséquilibre dans une famille quand quelqu’un s’en va et que l’alcool est une conséquence de ça. Ensuite, pour travailler mon personnage je me suis appuyé sur les envies de Ferdinand, où il en était professionnellement, ce qu’il voulait : s’il était content d’avoir son petit taff de commis ou s’il en voulait plus, sa relation avec sa soeur, son grand-père, comment il essaie de préserver ces deux relations."
Dans le film, il y a la notion du pardon, est-ce que pour toi, en tant que Joseph c’est important ?
Joseph Olivennes : "Oui très, ce qui ne veut pas dire l’excuse, ou le tout va bien… Ce n’est pas ça la question. Je suis du genre à essayer de comprendre les gens et comprendre pourquoi ils font ce qu’ils font, plutôt que de m’en offusquer. Et pour le coup, Ferdinand est quand même comme ça aussi. J’aime bien l’idée qu’à la fin du film, il aille vers son père, qu’il arrive à analyser la situation et qu’il comprend enfin ses efforts. À la fin, il y a vraiment une notion de courage et de fierté. Je trouve que cette notion de fierté elle est belle : admirer quelqu’un ça permet de se donner l'envie d’aller de l’avant et de faire mieux. J’ai vraiment vu le film comme un navire familial, où ce trajet très personnel de Jean-Paul a des répercussions sur toute la famille qui fait finalement ce voyage avec lui. Je trouve que l’on y croit, ce n’est pas un happy end à la con : Jean-Paul était un peu le soleil noir de la famille et d’un coup, il reprend de la lumière et ça permet à tout le monde de se retrouver."
Est-ce que tu peux me définir Ferdinand en trois adjectifs ?
Joseph Olivennes : "Rêveur et doux. Je ne trouve pas le troisième (rire), il y en aura que deux."
La Vallée des Fous est une magnifique histoire sur la résilience, d'une famille prête à tout pour se reconstruire.
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