
Sortie le 7 février dernier sur Prime Video, la série Dear You est la série romantique du moment ! Pour parler de l’amour et de toute sa complexité, nous avons rencontré son réalisateur Julien Carpentier et l’un des acteurs principaux, Louka Meliava, qui incarne le séduisant Alex Blake.
Par Mathilde Dandeu
"L’amour, c’est un printemps craintif, une lumière attendrie ou souvent une ruine", chantait Marcel Mouloudji. Une chanson qui aurait pu être au générique de Dear You, révélant toute la complexité de l’amour. Ainsi, la série de Prime Video suit un groupe de jeunes adultes tourmentés par leurs histoires d’amour et leur passé… Des personnages qui n’ont pas peur de montrer leurs failles, leurs vulnérabilités, ce qui amène une certaine authenticité permettant aux spectateurs de mieux s’identifier.
Des sujets forts, qui parlent à tout un chacun, que nous avons pu évoquer, voire approfondir, avec le réalisateur de la série Julien Carpentier et son acolyte Louka Meliava, qui incarne l’homme d’affaires Alex Blake.
Louka Meliava : "On est dans un monde assez superficiel"
PressEyes : Est-ce que tu peux me parler de ton personnage Alex Blake ?
Louka Meliava : C’est un jeune entrepreneur, qui lance l’application Dear You, un grand habitué de l’hôtel Le Folie. Il a beaucoup de choses à régler avec le passé. C’est un personnage assez intense et névrosé.
PressEyes : La série parle d’un groupe de jeunes en quête d’amour. Est-ce que la société actuelle laisse moins de place aux rencontres et à l’amour ?
Julien Carpentier : Je ne pense pas. Je pense au contraire que l’on est plus exigeant du fait que l’on a accès à de nombreuses applications. On se recentre sur une véritable exigence.
Louka Meliava : Les rencontres vraies peut-être, les rencontres profondes… On est dans un monde assez superficiel, basé sur l’image. Ça met plus de temps à entrer dans une vraie rencontre en profondeur, mais on reste des êtres humains, et c’est quand même ce que l’on recherche finalement. Ce qui est vrai, comme l’a dit Julien, c’est qu’on a aussi les applications : il y a un choix qui laisse plus de place à la superficialité. Mais si les gens font eux-mêmes le pas pour aller dans des rencontres plus profondes, ça marche.
PressEyes :Est-ce que pour vous, Instagram peut être un tremplin aux rencontres ?
Louka Meliava : Dans l’exemple que j’ai autour de moi, oui. Instagram ne sert pas à ça au départ, mais c’est quand même une vitrine. Par rapport aux applications de rencontres, c’est un peu plus complet dans ce que l’on veut montrer de nous : on peut montrer ce que l’on dit, ce que l’on mange, ce que l’on vit, partager notre travail.
Julien Carpentier : Il y a peut-être des gens qui vont faire le premier pas sur LinkedIn (rire). Je veux dire qu’aujourd’hui, on a un accès direct à tout le monde. Il est possible de tenter sa chance partout. Est-ce que c’est forcément la chose à faire ? Est-ce qu’il faut favoriser la vraie rencontre ? Je ne pense pas qu’il y ait de véritables règles. Je connais des gens qui se sont mariés en se rencontrant sur des applications de rencontres ou sur Instagram. Ce qui doit arriver, arrivera.
PressEyes :Pour revenir à Dear You, quelle était pour toi, Julien, l’importance de l’identification aux personnages ? Chaque personnage a vraiment sa vision de l’amour et du couple, ce qui laisse la possibilité de vraiment pouvoir s’identifier à l’une des histoires.
Julien Carpentier : J’avais envie de travailler avec des comédiennes et des comédiens qui n’avaient pas encore eu de rôle sur lesquels ils étaient figés, sur lesquels on n’avait pas l’opportunité de projeter des choses. Ce qui permettait déjà de s’identifier plus facilement, à mon sens, ce qui n’est pas impossible quand on est un acteur connu. Mais je trouvais plus intéressant de découvrir de nouvelles personnes. Il y a pas mal de nouveaux visages dans la série. Le désir, c’était que chacun incarne son personnage de la façon la plus authentique et sincère. Je pense que du moment où l’on a cette approche, on arrive à s’identifier à l’un d’eux. Ils sont tous différents, et il y en a forcément un qui va avoir des problématiques, des difficultés ou des adversités qui vont nous sembler familières.
Tous les personnages sont très complémentaires et s’associent très bien. La série représente vraiment toutes ces individualités, un collectif qui va pouvoir avoir différentes facettes, différentes qualités, différents défauts… et représenter ce que l’on est dans notre complexité.
PressEyes :Dear You, c’est une application de rencontre où l’on ne voit pas la personne avec laquelle on match, qui n’est donc pas basée sur le physique. Est-ce que c’est aussi une façon de montrer qu’il y a un manque de communication aujourd’hui ?
Louka Meliava : C’est justement pour enlever tous ces côtés superficiels, filtrés, faux, que le monde d’aujourd’hui peut nous offrir. C’est pour nous ramener à la base de la communication et nous aider à nous rencontrer réellement, sans passer par le désir charnel, le physique, mais plus par le mystère, les vrais mots, les vraies paroles.
Julien Carpentier : Dans l’adaptation du livre d’Emily Blaine Dear You, l’application était, si je ne dis pas de bêtise, une relation épistolaire. C’était vraiment le rapport que l’on entretenait avant, où l’on pouvait s’envoyer des lettres, et puis on projetait tout un tas de choses, on fantasmait. Il y a aussi cet aspect-là qui est intéressant. On parlait d’Instagram, où notre vie est exposée, ce qui enlève pas mal de mystère. Parfois, avant de rencontrer la personne, on a envie de s’imaginer des choses, et c’est ça que veut faire l’application.
Louka Meliava : Ça laisse le temps à l’esprit de se créer des fantasmes, un imaginaire autour de la personne, de se créer des histoires…
Personne ne nous a éduqués à l’idée de rencontrer quelqu’un via une application et de réussir une rupture avec Instagram. Julien Carpentier
PressEyes :La série révèle la complexité des rencontres et de l’amour à travers ces jeunes qui ont dépassé la vingtaine, qui ont un peu plus de mal à trouver LA personne ou qui, pour certains, ont perdu les codes de la « drague ». Je pense notamment à Lionel Erdogan, qui joue un personnage un peu plus âgé.
Louka Meliava : Le personnage qu’il incarne sort d’une relation. C’est aussi la difficulté que l’on a à tourner la page, à passer à autre chose quand on sort d’une relation intense et longue. La série questionne : comment retrouver quelqu’un ? Comment trouver l’amour ? Comment retrouver confiance en soi et en les autres ? C’est une difficulté universelle et intemporelle. Je ne crois pas que ce soit une histoire de génération ou d’âge. On peut très bien se retrouver dans la même situation que ce quarantenaire à 18 ans, vivre une histoire d’amour pleine de passion de ses 14 à 18 ans, puis ne plus savoir comment parler à quelqu’un d’autre.
Julien Carpentier : Les générations passées – nos parents, nos grands-parents – avaient leurs propres codes amoureux. Aujourd’hui, avec notre génération, il y a un véritable renouvellement de la façon dont on accède à l’amour et aux relations sentimentales, de la manière dont on s’aime et dont on se quitte. On parle de l’amour, mais savoir se quitter à l’ère des réseaux sociaux, c’est aussi une difficulté.
Il y a un nouvel apprentissage à faire. Personne ne nous a éduqués à l’idée de rencontrer quelqu’un via une application et de réussir une rupture avec Instagram. Et ça, c’est quelque chose que nous devons découvrir par nous-mêmes, nous devons nous éduquer à ça. Une difficulté que nos enfants ne connaîtront pas, car ils seront nés avec. Nous sommes une génération un peu hybride par rapport aux relations amoureuses, qui doit s’éduquer et s’auto-former à ce nouvel amour.
L’amour n’est pas obligatoirement toxique. Louka Meliava
PressEyes :Est-ce que tous les deux, vous êtes des amoureux de l’amour ?
Julien Carpentier : Bien évidemment, on s’aime depuis le premier jour (rire).
Louka Meliava : Plus sérieusement, je pense que oui, et c’est ça le danger : être amoureux du sentiment. Parfois, ça t’amène dans des endroits où tu ne devrais pas aller, parce que tu as l’espoir de revivre ce que tu as déjà vécu. Ça peut devenir malsain, ce n’est pas toujours la bonne solution.
Julien Carpentier : Parfois, tu identifies l’amour sans véritablement savoir que ce n’en est pas. Toute la difficulté aussi, c’est de savoir identifier ce qu’est vraiment l’amour. Ce n’est pas juste une piqûre de rappel de la toxicité de notre histoire. Avec le temps, il est important de savoir ce que c’est d’être véritablement aimé et de savoir aimer correctement.
Louka Meliava : Pour rebondir sur la toxicité, l’amour n’est pas obligatoirement toxique. Ça peut et ça doit être très sain. J’ai l’impression que les plus jeunes, aujourd’hui, font de l’amour quelque chose de très tumultueux, qu’il doit y avoir des heures d’engueulades, mais ce n’est pas forcément ça. Ça peut très bien se passer, être calme et apaisant.
PressEyes :Pour revenir à Alex Blake, comment, Louka, tu l’as travaillé ?
Louka Meliava : Je l’ai beaucoup travaillé au jour le jour, avec Julien aussi. J’ai fait quelques recherches sur les applications de rencontres, sur le marché. J’avais quelques données en tête et, si mes souvenirs sont bons, la France est le troisième pays européen à utiliser les applications de rencontres. Après, le travail se faisait au jour le jour. Le matin, on se voyait avec Julien, on regardait le texte et les émotions que je devais faire passer. Il me guidait sur ce que je devais faire et comment le faire. Si ça ne fonctionnait pas, on changeait. Il faut aussi avoir confiance en ses partenaires de jeu et en son réalisateur.
Julien Carpentier : L’idée était d’en parler en amont, notamment sur la fausse image que l’on peut se faire du personnage. On voyait ses traits se dessiner, avec toutes ses complexités… L’avantage d’une série, c’est que l’histoire peut s’étaler dans le temps, permettant ainsi de découvrir différentes facettes d’un personnage. Il y avait beaucoup de matière grâce aux textes sur ce qu’était son personnage et sur la manière de l’appréhender. Louka a cette faculté d’entrer dans son rôle, de l’incarner et de proposer des évolutions qui peuvent intensifier le caractère d’Alex.
PressEyes :On dit d’Alex qu’il est arrogant, mais je n’ai pas trouvé d’arrogance chez lui. J’ai plutôt eu l’impression qu’il se protégeait. Est-ce que c’était ce que vous vouliez faire ressentir aux spectateurs ?
Julien Carpentier : C’est comme la timidité, parfois elle passe pour de l’arrogance. C’est nous qui choisissons ce que l’on souhaite voir derrière une attitude, ou ce que l’on y projette. En effet, c’est quelqu’un qui a du mal à évoluer, qui est maladroit, qui a des vulnérabilités et des failles. Il se protège justement parce qu’il doit avoir une certaine prestance en tant que chef d’entreprise : il faut qu’il assure.
Louka Meliava : Ça parle aussi des étiquettes que les gens te collent dessus, sans que tu n’aies rien demandé. Et à partir du moment où une personne te met une étiquette sur le front et en parle à la terre entière, tout le monde finit par te percevoir ainsi.
PressEyes : Est-ce que vous pouvez me décrire Alex avec trois adjectifs ?
Julien et Louka : Mystérieux, intense et névrosé (rire).
Julien Carpentier et Louka Meliava offrent ainsi une belle masterclass autour des rencontres, de l’amour et de toute la complexité qui en découle, qui, on l’espère, vous donnera envie de (re)découvrir Dear You.
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